Le 22 janvier 2024, l’Ambassadeur Fu Cong, Chef de la Mission de Chine auprès de l’UE, a accordé une interview exclusive à Kevin Whitelaw, Chef du Bureau de Bloomberg à Bruxelles, et à son collègue Tom Hancock.

Bloomberg : Cela m’amène à la question de la capacité à coordonner les politiques étrangères, comme sur l’Ukraine en particulier. Votre gouvernement a parlé de la nécessité de la paix, mais j’ai vu que la Chine a été absente dans certaines des grandes conférences de paix récentes liées à l’Ukraine. Je me demande simplement pourquoi il n’y a pas de contacts plus étroits avec l’Ukraine, ni de participation plus active à ces efforts ? Cela aurait semblé être un sujet naturel de coopération. 

Fu Cong : Notre position sur la crise ukrainienne est claire et cohérente. Elle se résume à un mot : la paix. Nous sommes prêts à favoriser la paix. Nous croyons que quels que soient les différends entre les deux parties, ils doivent être pacifiquement résolus par voie de négociation.

Quant à notre position, il y a quatre points essentiels que je voudrais souligner. La souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être respectées. La Charte des Nations Unies et le droit international doivent être respectés et appliqués. Les intérêts légitimes de tous les pays en matière de sécurité doivent être pris en compte. Et toutes les initiatives de paix susceptibles de contribuer à une solution pacifique doivent être soutenues. 

Ces quatre points constituent le cadre de la position chinoise sur cette question. Nous sommes en contact permanent avec toutes les parties, y compris la Russie et l’Ukraine. Notre Président s’est entretenu avec le Président Zelensky. Les deux Ministres des Affaires étrangères se sont rencontrés à plusieurs reprises. Les Ambassadeurs dans les deux capitales ont été très actifs. Avec la Russie, la Chine a tenu des sommets. À chaque fois, la Chine a fait passer un message constant : nous appelons de nos vœux à une solution négociée. Nous jouons notre rôle à notre propre manière. Vous pouvez être assurés que la Chine ne sera pas absente des efforts de paix.

Bloomberg : Il y a eu beaucoup de discussions sur les sanctions, et il fut un temps où l’UE a failli inscrire certaines entreprises chinoises sur la liste pour ce qu’elle a appelé des activités de contournement. Ces entreprises n’ont pas figuré sur la liste finale. Les entreprises chinoises ont-elles cessé de vendre ces produits à la Russie ? Des discussions sont-elles en cours sur la manière de satisfaire l’UE ? 

Fu Cong : En fait, nous avons résolu ces questions avec nos homologues de l’UE. En ce qui concerne les exportations chinoises, nous sommes très clairs sur le fait que nous ne fournissons pas d’assistance létale, y compris des armes, à la Russie. Quant aux produits à double usage, nous exerçons un contrôle très strict là-dessus. Il y a peu, nous avons renforcé notre contrôle des exportations de drones.

Telles sont les politiques de base. Bien entendu, la Chine et la Russie sont pays amis. Nous entretenons des relations commerciales normales. Ces relations se poursuivront, mais nous ne ferons pas ce que nous appelons « jeter de l’huile sur le feu » lorsqu’il s’agit de la crise.

Bloomberg : Je voudrais également poser une question sur la mer Rouge. Une grande partie des marchandises qui y transitent sont manifestement des produits chinois. Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par les problèmes de sécurité liés aux attaques dont nous avons été témoins récemment dans cette région ? La Chine envisage-t-elle de faire plus pour essayer de protéger ses cargaisons ?

Fu Cong : Nous avons été très clairs dès le début : nous sommes opposés à toute attaque contre les navires marchands ou commerciaux qui traversent la mer Rouge. Nous l’avons dit publiquement et nous avons fait beaucoup d’efforts en coulisse. En même temps, nous devons nous rendre compte qu’il s’agit essentiellement d’un effet de débordement de la crise de Gaza. Je pense que la communauté internationale, en particulier les États-Unis, doit exercer davantage d’influence ou de pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles cessent les bombardements aveugles sur Gaza, en particulier sur les civils. C’est ainsi que le problème pourrait être résolu.

Bloomberg : À ce stade, vous n’envisagez pas d’ajouter des mesures de sécurité en mer Rouge, parce que les États-Unis sont manifestement...

Fu Cong : Lorsque nous parlons de ce sujet, nous devons également respecter la souveraineté du Yémen. Nous ne soutenons donc pas les actions militaires menées par les États-Unis et le Royaume-Uni. À notre avis, elles ne peuvent qu’aggraver les tensions. Elles ne garantiront ni ne maintiendront le passage en toute sécurité des navires commerciaux. Au contraire, cela rendra le passage encore plus dangereux. Je ne sais pas pourquoi les États-Unis et le Royaume-Uni prennent ces mesures. Le bon sens nous dit qu’en faisant monter la tension, on ne fait qu’aggraver la situation.